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Le trac, poison des musiciens et artistes lyriques


Monter sur scène peut devenir un calvaire quand le trac prend le dessus, au point que certains artistes, piégés par ce sentiment incontrôlable, usent et abusent de produits dangereux.

Les mains moites, la gorge serrée, les jambes qui tremblent… Quel musicien, chanteur ou chef d’orchestre n’a pas vécu cette sensation avant de monter sur scène ? D’un point de vue médical, le trac, selon le médecin homéopathe Daniel Scimeca, est « une angoisse par anticipation qui paralyse et qui semble empêcher d’affronter une situation unique. » Au fil des siècles et jusqu’à aujourd’hui, plusieurs artistes ont arrêté leur carrière (pour un moment ou pour toujours) afin de gérer ce handicap, de manière plus ou moins saine. Glenn Gould, Renée Fleming, Vladimir Horovitz, Frédéric Chopin ou encore Leopold Godowsky… Le trac empoisonne la vie de milliers de musiciens et chanteurs. Alcool et drogue : uniques échappatoires au trac ? Dans une enquête effectuée sur un orchestre allemand en 2012, les chiffres montrent que près d'un tiers des musiciens utilisent du Valium ou des bêtabloquants. Comme en écho à ces statistiques alarmantes, le documentaire Addicts Symphony, diffusé l’été dernier par Channel 4 (chaîne britannique), montre du doigt ce problème. Le compositeur, musicien et ancien alcoolique, James McConnel réunit dix artistes du monde de la musique classique touchés par une addiction. Tous ont fait de la musique leur métier, et tous ont été submergés par la pression, la vie difficile d’artiste, et le trac. Leur seul remède pour survivre consistait à prendre des médicaments, ou à se réfugier dans l’alcool. Dans le documentaire, James McConnel relève le défi de tous les faire remonter sur scène pour un concert unique. L’une des participantes, la violoncelliste Rachael Lander, a commencé ses accès de panique à 14 ans, quand elle montait sur scène : « J’avais un sentiment incontrôlable de ne plus pouvoir avancer comme je le souhaitais, j’étais piégée. » La seule solution pour parer à son problème était de boire de l’alcool. « Quand je buvais, ces attaques s’arrêtaient. J’ai aussi pris du Valium et des bêtabloquants », continue la musicienne dans son interview pour le Telegraph. Et Rachael Lander n’est pas un cas isolé. Pendant ses années de pratique musicale, elle a rencontré nombre de collègues qui souffraient de la même pathologie liée au trac :

« Les problèmes d’addiction sont répondus chez les musiciens classique pour plusieurs raisons. Il y a d’abord le mode de vie, les horaires décalées, le travail le week-end, la vie après le concert… Beaucoup de musiciens boivent de l’alcool ou prennent des bêtabloquants (médicament puissant qui bloque l’adrénaline [ndlr]) pour contrôler leur anxiété face à leur performance. Après leur passage sur scène, ils luttent pour se calmer et, quand ils y arrivent, peuvent enfin prendre un verre et se relaxer. Tout ce système devient une habitude. »

Tom Eisner, violoniste, connaît bien le trac : « Pendant 20 ans, au lieu de jouer du violon, j’avais le sentiment d’être un débutant qui n’avait aucune capacité », témoigne le musicien dans The Guardian. Ce sentiment est né après ses premières expériences en public qui ne se passaient jamais bien pour lui : « Quand je montais sur scène, j’avais l’impression de marcher vers ma mort. » Ce n’est qu’après avoir commencé les tranquillisants (toujours des bêtabloquants), que Tom Eisner a pu continuer sa carrière plus sereinement. Autour de lui, le même schéma se répétait : « Il était fréquent de voir des collègues prendre de l’alcool pour calmer leurs nerfs. » Un calmant très répandu dans le monde de la musique classique, surtout chez la plus ancienne génération de concertistes. « En 1987, il y avait au moins dix musiciens qui allaient fréquemment au pub du coin de la rue à la pause du matin. Et le midi, ils étaient suivis par d’autres collègues encore », continue Tom Eisner. Si l’alcool et les calmants ont « soigné » de nombreux musiciens face au trac, la nouvelle génération semble avoir trouvé une autre (et bien meilleure) manière de gérer cette anxiété. « L’activité physique est aujourd’hui le meilleur choix de drogue », avance le violoniste. Course, vélo, fitness, les artistes utilisent de plus en plus leur corps pour gérer le stress et se calmer naturellement.

source: http://www.francemusique.fr/actu-musicale/le-trac-poison-des-musiciens-et-artistes-lyriques-102181

Illustration: Michel Granger - http://www.granger-michel.com/project/le-trac-serigraphie-epreuve-pigmentaire/

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